La Colère : Une Émotion Mal Aimée, un Message Profond

 

 

Introduction : Une émotion qui fait peur

Parmi toutes les émotions humaines, la colère est sans doute l’une des plus mal perçues. On la juge négative, destructrice, honteuse. On nous apprend très tôt à la refouler : « Ne te mets pas en colère », « Calme-toi », « Tu exagères ». Pourtant, la colère n’est pas un défaut. C’est une émotion naturelle, humaine, et utile, lorsqu’on apprend à la comprendre et à l’apprivoiser.

 

 1. Qu’est-ce que la colère ?

La colère est une réaction émotionnelle intense face à une situation perçue comme injuste, frustrante, humiliante ou menaçante. Elle apparaît souvent quand nos limites sont franchies, nos besoins ignorés, ou notre intégrité attaquée.

Elle peut prendre plusieurs formes :

  • L’explosion (cris, agressivité, gestes violents)

  • L’implosion (colère refoulée, silence, rancune)

  • L’ironie, la passivité-agressive, la mauvaise foi

👉 La colère n’est pas la violence. La colère est une émotion. La violence est une réaction. Ce que l’on fait avec la colère dépend de notre maturité émotionnelle.

 

 2. D’où vient la colère ?

La colère masque souvent une douleur plus profonde. Elle est rarement l’émotion de base. En réalité, elle protège une émotion plus vulnérable, comme :

  • La tristesse

  • La peur

  • Le rejet

  • L’abandon

  • L’humiliation

  • L’injustice

Exemple : Un adolescent se met en colère parce qu’on lui interdit une sortie. En vérité, il ressent de la frustration, une perte de liberté, ou un sentiment d’injustice non exprimé.

 

 3. Le rôle utile de la colère

Bien canalisée, la colère est un signal d’alarme puissant. Elle dit :

  • « Quelque chose ne me convient pas »

  • « Une de mes limites est franchie »

  • « Un besoin n’est pas respecté »

La colère sert à se protéger, à se faire entendre, à poser ses limites. C’est une force de changement, une énergie motrice qui, bien utilisée, peut pousser à agir, à dire non, à transformer des situations injustes.

 

 4. Les dangers de la colère mal gérée

Quand elle n’est pas reconnue ou mal exprimée, la colère peut devenir toxique :

  • Dirigée contre soi : culpabilité, honte, dévalorisation, dépression

  • Dirigée contre les autres : violences verbales ou physiques, isolement, ruptures

  • Somatisée : maux de tête, tensions, fatigue chronique, maladies inflammatoires

Refouler la colère, c’est comme bloquer un volcan : la pression monte, et un jour, l’explosion est incontrôlable.

 

 5. Comment exprimer la colère sainement ?

Étapes pour apprivoiser sa colère :

  1. Reconnaître qu’on est en colère

    "Je ressens de la colère en ce moment."

  2. Identifier la cause réelle

    Est-ce un besoin non respecté ? Une injustice ? Une blessure ancienne ?

  3. Respirer profondément avant d’agir

    Cela évite de réagir à chaud et de blesser inutilement.

  4. Exprimer ce que l’on ressent avec des mots, pas avec des cris

    Ex. : "Je me sens blessé(e) quand tu ne m’écoutes pas", plutôt que "Tu ne fais jamais attention à moi !"

  5. Poser des limites claires

    "Je n’accepte pas qu’on me parle de cette manière."

  6. Transformer cette énergie en action constructive

    Écrire, créer, parler, marcher, décider.

 

 6. Se libérer de la colère ancienne

Certaines colères datent de l’enfance, d’un traumatisme, d’un abus ou d’un non-dit. Elles restent ancrées si on ne les libère pas consciemment.

Moyens d’apaisement :

  • Écriture thérapeutique : écrire une lettre de colère (sans forcément l’envoyer)

  • Méditation et respiration : pour calmer le feu intérieur

  • Psychothérapie ou coaching : pour comprendre la racine de la colère

  • Rituels symboliques : brûler la lettre, frapper un coussin, crier dans un lieu sûr

  • Pardon (à soi ou aux autres) : non pas pour excuser, mais pour se libérer

 

 7. Et si la colère devenait une alliée ?

Lorsque nous comprenons que la colère parle pour nous, qu’elle veut nous défendre, qu’elle nous protège d’un déséquilibre, alors elle devient une boussole intérieure. Elle ne doit pas être niée, mais écoutée. Elle ne doit pas être subie, mais canalisée.

 "Je ne suis pas ma colère. Je suis celui ou celle qui l’observe, qui l’écoute, et qui choisit quoi en faire."

 

 Conclusion : Accueillir la colère, c’est s’honorer

La colère bien vécue est un acte de souveraineté intérieure. Elle marque le moment où l’on se donne le droit d’exister, d’être respecté(e), de s’exprimer. Elle devient un levier de transformation, et non plus un poison.

Ce n’est pas en fuyant la colère qu’on devient paisible, mais en apprenant à l’écouter, à la comprendre, et à l’aimer comme une partie précieuse de nous-même.

 

Fiche Pratique : Accueillir et Transformer sa Colère

 Objectif :

Apprendre à reconnaître, exprimer et canaliser la colère pour en faire une force de transformation personnelle.

 1. Comprendre sa colère

Exercice 1 : L’auto-observation émotionnelle

 Prends un carnet et note :

  • Dans quelles situations suis-je souvent en colère ?

  • Qu’est-ce qui me met hors de moi ?

  • Est-ce une colère ancienne ou récente ?

  • Est-ce que je l’exprime ? Ou je la garde en moi ?

But : Identifier les déclencheurs et les schémas répétitifs.

 

 2. Identifier le message caché

Exercice 2 : La colère comme messager

La colère cache souvent une émotion blessée. Complète la phrase :

  • "Je suis en colère parce que je me suis senti(e)…"

  • trahi(e)
  • rejeté(e)
  • incompris(e)
  • contrôlé(e)
  • humilié(e)

But : Faire le lien entre colère et besoin profond non respecté.

 

 3. Calmer la tempête intérieure

Exercice 3 : Respiration de régulation

Quand la colère monte :

  1. Pose une main sur ton ventre.

  2. Inspire profondément en comptant jusqu’à 4.

  3. Expire lentement jusqu’à 6.

  4. Répète 5 fois.

But : Revenir à un état de calme pour ne pas agir sous impulsion.

 

 4. Exprimer la colère sainement

Exercice 4 : Le langage des besoins

Au lieu de crier ou d’accuser, essaie la formulation :

  • "Je ressens [émotion] quand [fait observé], car j’ai besoin de [besoin]. Je te demande [demande claire]."

Exemple :

  • "Je ressens de la colère quand tu ne réponds pas à mes messages, car j’ai besoin de respect. Je te demande de me prévenir si tu ne peux pas répondre."

But : Dire sans blesser, exprimer sans exploser.

 

5. Libérer la colère stockée

Exercice 5 : Libération physique

Quand tu sens une colère ancienne qui bouillonne en toi :

  • Va dans un lieu sécurisé.

  • Frappe dans un coussin.

  • Cours, danse, tape du pied.

  • Crier dans un oreiller.

  • Ou écris une "lettre de colère" (que tu peux brûler ensuite).

But : Libérer le corps de l’énergie accumulée.

 

 6. Transformer la colère en sagesse

Exercice 6 : Dialogue intérieur

Imagine que ta colère est une personne assise devant toi. Demande-lui :

  • Pourquoi es-tu là ?

  • Que veux-tu me montrer ?

  • Que veux-tu protéger ?

  • Comment puis-je t’écouter sans te laisser me contrôler ?

But : Apprivoiser la colère au lieu de la fuir.

 

Conclusion de l’atelier

La colère ne te veut pas du mal. Elle signale un besoin profond, une limite bafouée, un déséquilibre. Lorsque tu l’écoutes, elle devient ton alliée, ta voix intérieure, ta force d’affirmation.

"Ma colère me parle. Je l’écoute, je l’exprime avec respect, et je la transforme en mouvement vers moi-même."

 

Quelques livres pour vous aider:

 1. "Accueillir sa colère et celle des autres" – Thomas d’Ansembourg

 Éditions de l’Homme
Un livre accessible et profondément humain, écrit par un ancien avocat devenu thérapeute. Il montre comment transformer la colère en une énergie constructive à travers l’écoute de soi et la communication non violente (CNV). Un incontournable.

 

2. "Les chemins de la sérénité" – Christophe André

 Éditions de l’Iconoclaste
Même s’il ne porte pas uniquement sur la colère, ce livre aide à comprendre toutes les émotions perturbatrices (colère, peur, tristesse) et propose des pistes concrètes de méditation, d’auto-compassion et de pleine conscience pour retrouver l’équilibre intérieur.

 

 3. "Se libérer de la colère" – Catherine Aimelet-Périssol

 Éditions Leduc.s
Une approche originale issue de la « neuro-comportementologie », qui aide à comprendre les mécanismes biologiques de la colère et à les transformer en comportements adaptés. Elle propose des exercices pratiques pour mieux gérer ses réactions.